Madame Manon, ne vous inquiétez pas ! C’était par la première qu’il traitait avec le peuple, et par la dernière qu’il traitait avec soi-même. En France, au 17° siècle on confère une supériorité aux nobles, c’est-à-dire aux descendants des conquérants germains, en Suisse à la même époque on honore les roturiers. Dans le for intérieur, elle permet à chacun, au Grand comme aux autres, de savoir que nul n’a un titre naturel à se prévaloir d’une supériorité de droit. Epître aux Romains XIII. Subordonner la légitimation de l’ordre politique à la rectitude morale relève de la même erreur. Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s’était perdu ; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. 1) Cette distinction renvoie à la distinction que St Augustin a établie entre la cité de Dieu, cité céleste et la cité des hommes, cité terrestre : « Deux amours ont donc bâti deux cités: celle de la terre par l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, celle du ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. Ils entraient dans leurs principes pour modérer leur folie au moins mal qu’il le pouvait » Bien au contraire, il reconnaît l’inquiétude de ce peuple qui a perdu son roi et n’a de cesse qu’il ne s’en soit choisi un autre. Car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. Sa naturalité relevant de la nature de l’homme pécheur, il est vain de lui demander d’être fondée sur l’exigence transcendante de justice. Sujet. L’auteur commence son propos par une fable ou plus exactement, selon le modèle évangélique, une parabole. Mais la civilisation de l’injustice naturelle ne la supprime pas : « En un mot le moi a deux qualités : il est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout, il est incommode aux autres, en ce qu’il veut les asservir. (Question). Ici on décidera que celui qui mettra tout le monde d’accord est le fils aîné du roi, là que c’est l’avis d’une majorité. Trois Discours sur la Condition des Grands Blaise PASCAL Résumé & Historique: Ces discours sont plein d'idées particulières à Pascal et qui se retrouvent dans les Pensées. Elle est capable de produire des effets. On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui des voyageurs qui est de la meilleure maison. Ou pire encore à propos de la noblesse et de la roture « La chose était indifférente avant établissement : après l’établissement elle devient juste, parce qu’il est injuste de la troubler. – faire ironiquement écho à la mode de l’insulte chez les philosophes Car si l’institution sociale est de pure convention, les conventions sociales sont présentées ici comme cautionnées par la loi divine ou loi naturelle. Il faut donc ou que ce qu’il a écrit de cette matière ait été perdu, ou qu’ayant ces pensées extrêmement présentes, il ait négligé de les écrire Et comme par l’une et l’autre cause le public s’en trouve également privé, il est venu dans l’esprit d’une personne, qui a assisté à trois discours assez courts qu’il fit en divers temps à un enfant de grande condition et dont l’esprit, qui était extrêmement avancé, était déjà capable des vérités les plus fortes, d’écrire neuf ou dix ans après ce qu’il en a retenu. Mais pour les respects naturels, qui consistent dans l’estime, nous ne les devons qu’aux grandeurs naturelles, et nous devons au contraire le mépris et l’aversion aux qualités contraires à ces grandeurs naturelles. Car ils ne peuvent y obéir et s’y soumettre que s’ils croient que c’est un ordre réel et que les principes en sont justes. Qui ne voit que rien n’est si opposé à la justice et à la vérité » Pensées, B 492. Nous pensons donc que seul un ordre conventionnel respectueux de la loi intérieure de l’esprit peut prétendre au consentement intérieur de la raison. Le thème donnant sens au propos pascalien est celui de la corruption de notre nature. Distinguer des grandeurs ou des ordres ; Pascal est coutumier de ce souci. « Quel dérèglement de jugement, par lequel il n’y a personne qui ne se mette au-dessus du reste du monde, et qui n’aime mieux son propre bien, et la durée de son bonheur, et de sa vie, que celle de tout le reste du monde » Pensées, B 456. Ainsi tout le titre par lequel vous possédez votre bien n’est pas un titre de nature, mais d’un établissement humain. Cela étant, il fera peut-être le salut terrestre du peuple et le sien, il n’en sera pas pour autant moins damné. Pascal reprend la distinction des « grandeurs » pour approprier le comportement de son élève. Raison pour laquelle, dans son dernier discours, Pascal souligne que le salut de l’âme du « grand » est de toute façon compromis car les occasions de se perdre sont multiples. Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs ; car il y a des grandeurs d’établissement et des grandeurs naturelles. Mais si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais encore justice ; car en vous rendant les devoirs extérieurs que l’ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerais pas d’avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre esprit. Si vous le faisiez, elle vous est acquise, et je ne vous la pourrais refuser avec justice ; mais si vous ne le faisiez pas, vous seriez injuste de me la demander, et assurément vous n’y réussirez pas, fussiez-vous le plus grand prince du monde. Celles-ci forcent l’estime, l’admiration. Il faut donc savoir que l’ordre n’est qu’apparent et que c’est un véritable désordre, mais il faut faire comme si ce désordre était un ordre véritable ; la plupart des hommes ne sont pas capables de cette doctrine et il faut leur présenter le désordre réel comme un ordre réel. Et comme il avait accoutumé d’écrire les pensées qui lui venaient sur les sujets dont il avait l’esprit occupé, ceux qui l’ont connu se sont étonnés de n’avoir rien trouvé dans celles qui sont restées de lui, qui regardât expressément cette matière quoique l’on puisse dire en un sens qu’elles la regardent toutes, n’y ayant guère de livres qui puissent plus servir à former l’esprit d’un prince que le recueil que l’on en a fait. Dans le paradigme pascalien, on pourrait en avancer trois : d’abord, l’homme est par nature, selon la tradition aristotélicienne, un « animal politique » ; ensuite, le royaume de France a subi, au temps de Pascal, les affres de la guerre civile sous les espèces de la Fronde ; enfin et le plus important reste la volonté divine. Je crois avec les Grecs que l’homme peut faire son salut par ses seules forces, que la démocratie est le moins mauvais des régimes et que la sphère politique ne mérite pas autant de mépris. Je ne veux pas dire qu’ils ne vous appartiennent pas légitimement, et qu’il soit permis à un autre de vous les ravir; car Dieu, qui en est le maître, a permis aux sociétés de faire des lois pour les partager; et quand ces lois sont une fois établies, il est injuste de les violer. Vous devez vous dire mais pour qui se prend-il cet imbécile ? La grâce schopenhauerienne n’est peut-être pas la même, mais dans les deux cas, il y a un mépris fâcheux vis à vis de l’agir politique au sens plein du terme. Ils doivent, apprend-on, « être néanmoins accompagnés selon la raison d’une reconnaissance intérieure de la justice de cet ordre ». Pascal voit dans le respect le véritable opérateur de civilité, le moyen de convertir l'injustice naturelle en justice civile. Mais si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais encore justice; car en vous rendant les devoirs extérieurs que l’ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerais pas d’avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre esprit. 10 Par exemple, Pascal a montré la réponse à donner quand un quidam se permet une grossièreté à l’encontre du Président de la République. Je passerai donc devant lui, et l’estimerai plus que moi, en qualité de géomètre. Toutes les révolutions aboutissent à la confiscation du pouvoir par une nouvelle classe dirigeante. Mais si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais encore justice, car en vous rendant les devoirs que l’ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerai pas d’avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre esprit ». Il est le récit que Nicole (1625.1695. Ils vous demandent les biens de la concupiscence ; c’est la concupiscence qui les attache à vous. Pourtant il a gardé son titre de roi de la création conformément à l’injonction divine : « remplissez la terre et dominez-la. Les « Trois discours sur la condition des grands » sont des discours que Pascal aurait donné au futur duc de Chevreuse Charles-Honoré d'Albert, vers 1660. Dieu est environné de gens pleins de charité, qui lui demandent les biens de la charité qui sont en sa puissance : ainsi il est proprement le roi de la charité. Mais si je me souviens bien, une paix relative et longue n’est qu’une dette de souffrance qui s’accumule pour se solder dans la prochaine explosion guerrière ! B.326. De sa perfection première, l’homme a gardé la trace en creux de l’idée de justice, ce qui le conduit à dénoncer l’injustice mais cette trace est une place vide. Mais y en a-t-il moins dans les personnes de condition qui vivent dans un si étrange oubli de leur état naturel ? L’ordre social repose sur l’arbitraire. Le monarque reste fondamentalement un homme pécheur comme les autres. Pascal part donc de la cité terrestre, qui est le royaume de la « concupiscence ». L’injustice consiste toujours à exiger d’un ordre des vertus n’ayant d’effectivité que dans un autre. La fonction de cette explication n’était pas de fournir un exemple de commentaire à des « étudiants lecteurs », elle était de préparer des lycéens à l’oral du bac de philosophie. Justification du paradoxe : la confusion des ordres. 3) Quel usage Pascal fait-il de la notion de justice et d'injustice? M. N*** est un plus grand géomètre que moi; en cette qualité il veut passer devant moi? Réel s’oppose à fictif. A mon sens le paradoxe réside moins dans la tension entre la justice et le conventionnel, ici élucidé par le recours fort peu convaincant à la permission divine et à la préservation du chaos, que dans l’affirmation massive d’une perspective social-historique de l’institution (imaginaire…) de la société d’une part et son occultation, voire sa négation malheureuse et invraisemblable de l’autre. Il s’ensuit que seul un être d’une essence supérieure à l’humaine nature pourrait être autorisé à revendiquer une véritable supériorité et seul un tel être pourrait ordonner les rapports humains selon la loi de justice et d’amour. Pascal – Trois discours sur la condition des grands PREMIER DISCOURS. L’homme a perdu sa nature première en perdant Dieu mais la perfection divine a laissé en lui un vide qu’il cherche vainement à combler. C’est ce qui vous distingue un peu de cet homme qui ne posséderait son royaume que par l’erreur du peuple; parce que Dieu n’autoriserait pas cette possession, et l’obligerait à y renoncer, au lieu qu’il autorise la vôtre. Contrôle de lecture : Trois discours sur la condition des grands, Pascal. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi ». C’est le miracle de la foi condamnant en ce monde à la tragédie de la Croix. Etonnante affirmation pouvant paraître scandaleuse. La question qu’il nous faut donc élucider est la suivante : Quelle est la justice inhérente à l’ordre politique qui, tout arbitraire qu’il soit, doit être « selon la raison » reconnu comme juste ? Ces trois textes examinent en effet les relations entre avoir, savoir, pouvoir d’un côté et l’ontologie de l’autre dans une perspective chrétienne. Pourquoi ? C’est là le présupposé théologique de Pascal. 2) Si l’ordre politique procède des inclinations de la nature humaine, on comprend que les autorités instituées n’ont de légitimité qu’autant qu’elles assurent la satisfaction des intérêts des membres du corps politique. À ce thème entièrement neuf, Pascal consacra une liasse entière dans la partie de l’Apologie consacrée à l’étude de l’homme : il s’agissait là d’un exemple particulièrement significatif des « contrariétés » de la nature humaine. En se référant à un ordre naturel de valeurs, il veut simplement conduire le prince auquel il s’adresse à ne pas confondre les hiérarchies sociales avec les hiérarchies naturelles. Le philosophe invite le futur duc de Chevreuse à méditer sur sa condition de Grand et cette méditation est l’occasion de prendre conscience de la nature de la condition humaine en général. Par là, voilà toute sédition prévenue si on peut faire entendre cela, et ce que c’est précisément que la définition de la justice » Pensée. Le pouvoir politique a bien un fondement légitime et c’est son institution de fait alors que notre naufragé n’a aucune légitimité. Les marques conventionnelles de respect (on témoigne d’une certaine réserve, on s’incline, on « s’incommode » dit Pascal) n’impliquent pas le consentement intérieur de l’âme qui est au contraire le propre du respect éprouvé à l’endroit des grandeurs naturelles. Cette illusion est vectrice d’obéissance et l’obéissance est absolument nécessaire. Le paradoxe réside bien dans cette soumission intérieure alors que l’esprit éclairé sait que le puissant n’a aucun droit de nature sur le pouvoir qu’il exerce. Trois discours sur la condition des grands - Suivi de Préface pour un traité du vide et Entretiens avec M. De Sacy PDF. » Siracide 11 4-6, traduction Bible des peuples ▲ Le texte parle de « qualités réelles et effectives ». C’étaient des gens honnêtes et, comme les autres, riant avec leurs amis ; et, quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l’ont fait en se jouant ; c’était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie, la plus philosophe était de vivre sérieusement et tranquillement. Cette loi serait ridicule et injuste ; mais parce qu’ils le sont et le seront toujours, elle devient raisonnable et juste, car qui choisira-t-on, le plus vertueux et le plus habile ? Trois hypothèses donc pour qualifier le travail de Pascal : – Pascal use de procédés putassiers (courtisans) et réformiste (mieux vaut laisser les gueux dans l’ignorance et appeler les nobles à un traitement humain). 2018. Cette exigence du bien commun pour garantir ordre et paix au corps social excuse sans doute en partie le silence mensonger de l’heureux élu. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle et il considère presque les grands comme étant d’une autre nature que les autres. L’une appelle le respect ; l’autre, l’estime. Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dû ; car c’est une injustice visible : et cependant elle est fort commune à ceux de votre condition, parce qu’ils en ignorent la nature. Pascal s’adresse toujours à ce jeune noble ; « Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dû ; car c’est une injustice visible : et cependant elle est fort commune à ceux de votre condition, parce qu’ils en ignorent la nature. Pascal dégage à la fin de son texte les implications morales de son analyse. « Les grandeurs naturelles » sont constitutives, elles appartiennent à la personne. Par ailleurs, dire d’un homme de Port-Royal qu’il est un courtisan et un conservateur est pour le moins ironique. Propulsé par WordPress - Thème « Misty Look » par Sadish, Questions portant sur le premier discours, Questions portant sur le deuxième discours. « Mon royaume n’est pas de ce monde » disait le Christ. On lui a souvent ouï dire qu’il n’y avait rien à quoi il désirât plus de contribuer pourvu qu’il y fût bien engagé, et qu’il sacrifierait volontiers sa vie pour une chose si importante. Le discours s’achève sur l’invitation à abandonner le royaume de la concupiscence et à tendre vers celui de la charité. Tumulti e ordini. L’opuscule Trois discours sur la condition des grands n’est pas écrit par Pascal. Si vous êtes duc et honnête homme, je rendrai ce que je dois à l’une et à l’autre de ces qualités. Bien au contraire, celle-ci s’en trouverait fragilisée. L’important n’est pas la rationalité de l’accord, c’est sa capacité à promouvoir l’ordre social. etc. En nature les hommes sont égaux, nul n’est né absolument supérieur à un autre. Les Trois discours sur la condition des grands sont un ensemble de discours éducatifs tenus par Blaise Pascal au futur duc de Chevreuse Charles-Honoré d'Albert, probablement vers 1660 [1].Vers l'été ou l'automne 1660, des notes préparatoires aux Discours sur la condition des grands sont écrites par Pascal (fr. Pascal n’examine donc pas la justice de la forme du gouvernement, seulement celle de son fondement. La cité des hommes n’est pas la cité de Dieu, et en ce sens elle n’a aucun fondement naturel, cela étant les Etats correspondent aux besoins de la nature humaine, à l’ordre naturel tel qu’il a été voulu par Dieu. Je vous veux faire connaître, Monsieur, votre condition véritable ; car c’est la chose du monde que les personnes de votre sorte ignorent le plus. s’il nous plaît ! En revanche, un noble scélérat ne perd pas pour autant le droit à être respecté en public, ce qui n’empêche nullement celui qui le salue de mépriser intérieurement la personne privée. Le propos devient insistant : « Que cet avis est important ! Le second discours éclaire plus avant ces concepts. Cela signifie qu’un ordre social ne tient que par. Le géomètre sert en fait de repoussoir car le plus important pour Pascal est de montrer que le prince idéal est un Grand doublé d’un honnête homme. Car « Il ne naît pas dans les Etats de roi comme il en éclôt dans les ruches, doués de naissance d’un corps et d’un esprit supérieur » écrit Platon, Politique, 301 c. « Votre âme et votre corps sont d’eux-mêmes indifférents à l’état de batelier ou à celui de duc; et il n’y a nul lien naturel qui les attache à une condition plutôt qu’à une autre. Et cela, aussi bien du côté du neuf que des produits Trois Discours Sur La Condition Des Grands … Il a conscience de sa misère et cette conscience même est un signe de sa grandeur. Il reçut tous les respects qu’on lui voulut rendre, et il se laissa traiter de roi. Jean-François Braunstein. La première conclusion qui en découle est que le respect dû au trône s’adresse à la fonction et non à la personne. Sous la plume de Pascal, il désigne ici la tentative d’accaparer les biens terrestres. Il faut quand même reconnaître que les exemples de Pascal constituent plutôt de fausses fenêtres7. Les grandeurs d’établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états et y attacher certains respects. Le peuple qui vous admire ne connaît pas peut-être ce secret. Sa supériorité n’est qu’un effet de la fantaisie des hommes et des hasards de l’histoire. Questions: 1) Quel est le sens de la ... L'analyse précédente établit donc qu'il n'y a pas de salut de l'humanité par la politique. » La possession désordonnée des biens conduit les puissants à oublier leur vraie nature, elle leur donne une fausse sécurité qui les éloigne de la nécessaire ascèse, elle constitue en outre un scandale public. Figures de la corruption de notre nature : la souveraineté de l’ordre naturel. On a traditionnellement donné le nom de Dieu à cet idéal et les instituteurs légendaires des peuples ont cherché à gouverner en son nom (Moïse, Mahomet par exemple). Voilà en quoi consiste la justice de ces devoirs. 7 Est-ce à imputer à Nicole plutôt qu’à Pascal ? On a le sentiment que vous résumez là tout Pascal au lieu de tenter de rendre compte le plus précisément possible du contenu du texte lui-même. On se souvient que Descartes en fait le privilège des âmes bien nées. Dieu permet le pouvoir instituant, proposition certainement atroce à l’époque ! Je peux essayer de comprendre l’économie de la pensée de Pascal, mais cela ne suffit pas à m’expliquer sa profondeur. merci pour votre soutient. « Le duc de Luynes son père n’avait pas moins d’esprit…, ni moins d’application et de savoir. Parce qu’il a plu aux hommes. (Réponse à la question 5), La remarque suggère aussi que la position de Pascal est moins conventionnaliste qu’elle s’affiche. Notre auteur ne serait-il pas moins « conservateur » qu’on nous ne le dit sans cesse ? L’homme a perdu la perfection originelle. « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » lit-on dans Matthieu, XXII, 21 et le premier théologien chrétien du droit naturel de l’Etat, St Paul écrit : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu. Dans la démocratie aussi la mesure des choses est la fantaisie des hommes et une fois que les lois sont établies, on appelle juste ce que stipule la loi. b) L’impuissance de la raison humaine à déterminer adéquatement les valeurs. « C’est ainsi » mais cela pourrait être autrement. Il s’ensuit qu’elle ressortit de l’ordre de la chair. Par ailleurs, nous vivons dans un monde médiatique où les raccourcis, les caricatures, les insultes, la disqualification des personnes plutôt que la discussion honnête des arguments sont si répandus que la fonction éducative d’un professeur implique le respect des exigences au nom desquelles on peut déplorer le délétère air ambiant. Download it once and read it on your Kindle device, PC, phones or tablets. S’ils ont écrit de politique, c’était comme pour régler un hôpital de fous ; et s’ils ont fait semblant d’en parler comme d’une grande chose, c’est qu’ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensaient être rois et empereurs. Nous devons quelque chose à l’une et à l’autre de ces grandeurs ; mais comme elles sont d’une nature différente, nous leur devons aussi différents respects. Le plus grand géomètre du temps n’a aucun droit à une préséance sur ses pairs, il peut seulement prétendre à être admiré d’eux comme le meilleur. Ce qui est identifié comme une supériorité naturelle suscite une espèce de retenue, de déférence. Cela n’est pas véritable. « Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prétendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dû, car c’est une injustice visible et cependant elle est fort commune à ceux de votre condition, parce qu’ils en ignorent la nature. En effet les riches sont plus exposés au divertissement5 : « Il faut s’oublier soi-même pour cela, et croire qu’on a quelque excellence réelle au-dessus d’eux, en quoi consiste cette illusion que je tâche de vous découvrir. D'où la nécessité d'attacher certains respects aux grandeurs instituées afin de promouvoir le dépassement de la violence des prétentions rivales. (Pascal ne dit pas erreur, il dit tyrannie, injustice ou ridicule). Il en est des Grands ce qu’il en est de notre naufragé. Les beaux cours de philosophie de Jacques Darriulat. Pour quoi cela ? ». Voilà pourquoi il est important que le Grand ait une « double pensée ». Mais ce respect n’est pas de même nature dans les deux cas. On a vu là cette île inconnue où l'homme est jeté ; cette négation du droit de … En revanche ses arguments critiques sont incroyables pour le XVIIeme et toujours scandaleux actuellement. Ainsi la monarchie, dont Montesquieu a montré qu’elle reposait sur le principe de l’honneur » a duré aussi longtemps qu’elle a été capable de satisfaire ces exigences. Avec ce propos, le philosophe s’inscrit clairement dans une position conventionnaliste en matière juridique et politique. » Pensées Fragment 480 ▲ Le monarque bien disposé sait que « ce royaume ne lui appart[ient] pas » et « il cach[e] cette dernière pensée ». Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous pensez le contraire ? Pascal distingue les « grandeurs d’établissement » et les « grandeurs naturelles ». L’idée de condition connote, en ce sens, celle de condition sociale et renvoie à la situation des personnes dans un ordre social hiérarchique. Le troisième discours est un point d’orgue dans la réflexion pascalienne car il est le plus théologique. Que tout ordre social implique des règles de civilité relatives aux hiérarchies instituées. Le blog de Thierry Ménissier. Bref il implique la vertu christique comme la République platonicienne ou même la République tout court requiert la vertu. Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, En fait le droit de propriété est un attribut divin. Les rois, les ministres, les assemblées sont par nature des grands de chair. Il faut bien investir certains individus des fonctions d’autorité sans lesquelles il n’y a pas d’ordre social possible. Lisez ce Littérature Compte Rendu et plus de 248 000 autres dissertation. Il a voulu que l’homme puisse exercer librement sa vertu dans la gestion des biens terrestres et qu’il concoure au bien commun par leur partage. Quel est le discours de Pascal sur le thème de la justice? En effet si la force peut imposer le respect par asservissement, seul l’esprit peut appeler librement l’admiration. Cet ordre n’est fondé que sur la seule volonté des législateurs qui ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n’est prise d’un droit naturel que vous avez sur ces choses. « Une société juste n’est pas celle qui a institué une fois pour toutes des lois justes, mais celle qui remet toujours en question la notion de justice », pour paraphraser un grand penseur ! Au regard de la grandeur christique en effet, les grandeurs de l’ordre de la chair et celles de l’ordre de l’esprit n’en sont pas. Aux grandeurs d’établissement respect d’établissement dit Pascal. « C’est une sottise et une bassesse d’esprit que de leur refuser ces devoirs ». Les grandes réalisations des moments d’autonomie et d’égalité (relative mais suffisante pour notre démonstration) nous apprennent s’il était besoin que, en accord avec Pascal, ni notre âme, ni notre corps, et ajoutons, ni notre esprit ne donnent de fondement naturels aux positions. Que cet avis est important ! Bref je vois l’ontologie castoriadisienne (articulation ensembliste-identitaire/poïétique et ses conséquences sur la raison, les idées l’idéal et donc…la justice) et sa défense acharnée de la démocratie comme plus vraisemblables, plus fertiles et plus profondes. Vous comprenez mal en parlant de « position injuste des Grands ». Tout au plus pouvons-nous discuter le profond pessimisme anthropologique pascalien qui ne voit de salut possible d’une humanité corrompue que dans le secours de la grâce. Le « Grand » est le noble, comte, duc, marquis, roi. » Aussi, Pascal n’ayant pu rédiger ces enseignements, Nicole a entrepris « d’écrire neuf ou dix ans après ce qu’il en a retenu. La chose était indifférente avant l’établissement : après l’établissement, elle devient juste, parce qu’il est injuste de troubler. Pourquoi ? C'est Pierre Nicole, dans De l'éducation d'un prince publié en 1670 qui retranscrit ces discours. Soit un ordre est arbitraire et on signifie qu’il n’est pas justifiable en raison, soit il est justifiable rationnellement et il est contradictoire de le décrire comme arbitraire ou fantaisiste. En effet, Pascal évoque la volonté des législateurs (il sait très bien que les législateurs peuvent regrouper l’ensemble des citoyens), leurs bonnes raisons qui ne se fondent pas sur un droit naturel, la république qui n’instituerait pas l’héritage, etc. Cette invitation est une énigme. Ils n’ont aucun titre naturel à se prévaloir du statut de supériorité que la fantaisie des conventions humaines et les hasards de l’histoire leur ont octroyé. C’est le fils aîné du roi ; cela est net, il n’y a point de dispute. Ce ne serait pas charité, ce serait haine. Car Dieu permet l’institution et, cette institution peut revêtir sans injustice des formes allant de la monarchie à la démocratie.